Du 15 au 30 janvier prochain se tiendront les représentations de « La Faculté des rêves », nouvelle création du metteur en scène et directeur du Théâtre du Nord Christophe Rauck.
Inspirée par le roman de l’auteure suédoise Sara Stridsberg, cette histoire nous donne à voir les deux faces antagonistes de la société américaine des années 1960 à travers le parcours de la controversée Valerie Solanas.
À cette occasion, nous vous proposons de vous raconter l’univers de la pièce à venir sous le format d’un feuilleton hebdomadaire intitulé « FAC’story ». Chaque épisode de ce feuilleton sera consacré à une thématique essentielle de ce récit qui se déroule dans l’une des époques les plus bouillonnantes de notre Histoire.
"C'est du grand art qui se produit ici"
LA FACULTÉ DES RÊVES
Mots-clés :
DADA / CABARET VOLTAIRE / RICHARD HAMILTON / ANDY WARHOL
On a beaucoup parlé de personnages et de lieux américains ; certains vous sont peut-être familiers, d’autres moins.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’avant-garde artistique n’émerge jamais ex nihilo.
Dans le spectacle La Faculté des rêves, la Factory, Andy Warhol, Greenwich Village, occupent une place considérable. Les années 1960 à New York confirment l’essor d’un nouveau courant artistique, le pop art, qui s’impose dès lors comme la nouvelle incarnation de l’art occidental moderne et augure de l’inéluctable basculement post-moderne.
Nous vous proposons une introduction à ce courant artistique fragmentée en trois petites pastilles pédagogiques.
Le pop art, c’est d’abord un courant qui s’inscrit dans une Histoire des arts. Européens pour commencer : le mouvement Dada, né en 1916 à Zurich au Cabaret Voltaire. Les dadaïstes élaborent un art frivole, léger, satirique, en réaction à l’atrocité des lignes de front du premier conflit mondial.
Dada c’est de la poésie, de l’écriture, de la performance, mais aussi le dynamitage du langage et des codes établis.
Véritable précurseur, le mouvement est le premier qui voit l’usage d’objets de la vie de tous les jours dans la création d’objets d’art. En 1917, Marcel Duchamp renverse un urinoir en porcelaine ; il suffisait d’y penser, non ?
En Angleterre, le pop art apparaît à partir de 1952 dans le travail de l’Independent Group. Ce collectif d’artistes récupère l’imagerie de la culture de masse américaine, la passe à la moulinette et en sort des collages qui mêlent en vrac coupures de magazines et éléments publicitaires.
Chefs de file de ce groupe, Eduardo Paolozzi et Richard Hamilton réalisent des collages qui piochent dans l’iconographie de la culture populaire américaine, laquelle inonde l’Europe à cette période.
Par l’inclusion d’éléments du quotidien dans les œuvres, ces artistes expriment leur rejet du bon goût académique et de la faculté de juger des très traditionnels Beaux-Arts.
Hamilton dit même du pop art qu’il se doit d’être « un art populaire, destiné aux masses, éphémère, consommable, oubliable produit en série, peu coûteux, jeune, spirituel et sexy ».
Le pop art s’exporte de l’autre côté de l’Atlantique à la fin des années 50. Les néo-dadas Robert Rauschenberg et Jasper Johns font émerger ce mouvement et lui apporte l’une de ses composantes majeures : la reproductibilité de l’œuvre.
Grâce à la technique de la sérigraphie qui leur permet de produire des séries d’œuvres identiques, les artistes de ce courant ébranlent de monde de l’art. Eux aussi détournent la publicité, les films, les magazines, les stars : tout ce qui compose la picturalité de l’univers dans lequel ils vivent, et qui fait la splendeur de la culture de masse américaine.
Johns et Rauschenberg ouvrent une brèche par laquelle s’engouffrent une génération de jeunes artistes iconoclastes : Claes Oldenburg, James Rosenquist, Tom Wesselmann, et Roy Lichtenstein sont de ceux-là.
Mais surtout, celui que l’on surnomme « pape du pop art », Andy Warhol. Fils d’immigrés slovaques, passé par le dessin publicitaire lui aussi, il est l’homme qui scelle la postérité du pop art pour les décennies à venir. A travers ses peintures de soupes à la tomate Campbell’s, de bouteilles de Coca-Cola, des célébrités Marilyn Monroe, Elvis Presley ou Elizabeth Taylor, Warhol porte aux nues la société de consommation et pousse l’idolâtrie des produits américains à son paroxysme.
Absolument tout est devenu une marchandise, y compris l’art : tel est en filigrane le message que cherche à faire passer l’artiste. Des biens de consommation qui nous entourent jusqu’aux personnalités publiques, nous sommes entrés dans l’âge de la marchandisation. Les stars que nous adulons sont elles-mêmes des marques, des produits façonnés par le marché, des sérigraphies reproductibles ad nauseam.
Même la mort et la déliquescence sont devenus des produits consommables, comme en témoignent les impressions d’accidents de voiture réalisées par Warhol, qui seront cédées à prix d’or dans les ventes aux enchères.
Le touche-à-tout Warhol s’empare également du cinéma puisqu’il aura réalisé, produit et joué dans une pléthore de courts et longs-métrages.
Enfin, il aura laissé une marque indélébile dans l’histoire de la musique en produisant le tout premier album d’un groupe new-yorkais, appelé à devenir l’une des formations les plus légendaires du rock : The Velvet Underground.