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Ruée vers le nord

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C’est à la lecture d’un article de presse qu’Anne-Cécile Vandalem découvre l’ouverture du mythique passage Nord-Ouest cette route maritime jusqu’ici inaccessible une grande partie de l’année qui était un passage réservé à de rares expéditions que scientifiques et explorateurs empruntaient au péril de leur vie et que la fonte des glaces rend désormais accessible toute l’année aux navires de croisières et à la grande navigation…

L’article révélait également que la fonte des glaces avait pour conséquences de faire apparaître des nombreuses richesses contenues dans le sol groenlandais (gaz, uranium, terres rares, rubis, saphirs, or…) et qui attisaient l’intérêt d’investisseurs du monde entier.

La ruée vers le Nord avait donc débuté... Une course effrénée pour exploiter les dernières richesses d’un environnement autrefois préservé, car inaccessible, que notre empreinte écologique rendait à présent exploitable…

 

 

 

« En août 2016, je me suis rendue au Groenland avec l’intention d’y faire des recherches sur cette ouverture du passage Nord- Ouest et les conséquences du réchauffement climatique sur la société groenlandaise.

J’avais entendu que le navire de croisière Crystal Serenity serait le premier bateau de tourisme à emprunter le mythique passage du Nord-Ouest et accosterait au Groenland au début du mois de septembre. J’avais également entendu que de nombreux pêcheurs se reconvertissaient aux métiers du tourisme ou de la mine et je voulais les rencontrer.

J’étais loin d’imaginer à quel point ces nouvelles activités dues au réchauffement climatique étaient porteuses d’espoir pour la société groenlandaise, pour certains un cadeau tombé du ciel, pour d’autres un juste retour des choses (le climat au Groenland n’a pas été toujours aussi rude: avant 1300, début du petit âge glaciaire, la température était plus élevée et de nombreuses cultures et activités y étaient possibles).

Je me suis alors intéressée aux contradictions qui émergeaient de ces bouleversements : l’extraction et la circulation à outrance des navires marchands et de tourisme accélère le réchauffement climatique, qui rend la pêche (activité économique principale) de plus en plus difficile et improductive; ce qui entraîne la reconversion des métiers de la pêche en métiers de la mine et du tourisme et valide davantage le déploiement des mines et l’exploitation de certaines zones jusqu’ici protégées...
En bref : un essor économique fulgurant qui engendrera des dégâts irréversibles sur le pays et les territoires de l’Arctique, dont il faut tirer parti vite et bien !

En mars 2013, Siumut, le parti social- démocrate remporte les élections. L’objet de sa campagne était précisément la levée du moratoire interdisant l’extraction de minerais tels que l’uranium, les terres rares, le fer ainsi qu’une ouverture au marché mondial et à la concurrence (notamment par le vote d’une loi permettant à une entreprise d’appliquer la même législation du travail que dans le pays de sa maison mère.

Un ouvrier chinois pourrait, par exemple, travailler 60 heures par semaines sur le sol groenlandais). L’argument au centre de cette perspective de développement économique qui acheva de convaincre une majeure partie de la population groenlandaise farouchement opposée à ces exploitations : l’indépendance du Groenland.

Je me suis alors intéressée aux enjeux de cette situation notamment en matière de politique extérieure du Groenland (jusqu’ici pilotée par le Danemark) : j’ai cherché à comprendre quel impact cela pouvait avoir sur les relations avec les autres pays investisseurs et surtout quelles seraient les stratégies adoptées par le Groenland vis-à-vis du Danemark et par le Danemark vis-à-vis des autres pays. »

 

 

 

J’ai alors imaginé un Groenland qui, dans les prochaines années, serait une terre de convoitise pour les plus grandes puissances, un refuge que les Européens fuyant leurs pays en guerre tenteraient de rejoindre, un eldorado pour touristes fortunés, le dernier endroit fertile d’une planète exsangue, fermant ses frontières et négociant lui-même les conditions d’accès à ses richesses.

Ce serait l’histoire d’une nation autrefois ignorée et méprisée, devenue, par la force du destin (le changement climatique) un objet de convoitise pour le reste du monde. Cette histoire aurait lieu sur un ancien bateau de croisière, l’Arctic Serenity, et les personnages principaux seraient tous liés d’une façon ou d’une autre à cette indépendance, militants ou opposants à la mainmise des pays étrangers.

Mais bien entendu, ce serait une histoire, et comme les histoires que j’écris ne se terminent jamais  bien, j’y ajouterais un adversaire encore plus fort qui userait des méthodes vieilles comme le monde pour renverser ses ennemis et remporter la partie.»

 

 

Anne-Cécile Vandalem