Il paraît que vous aviez mal vécu le confinement, nous nous retrouvons donc après votre dernière tentative de suicide, comment allez vous Mathilde ?

N’approche pas ô mort, ô mort, retire toi. (fable XV, XVI livre premier)

 Malgré la déprime, Mathilde, vous écoutez un peu les informations.

Que pensez vous du discours de nos gouvernants face à cette crise inédite?

Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable. Quel supplice que celui d’entendre déclamer pompeusement un froid discours, ou prononcer de médiocres vers avec  toute l’emphase d’un mauvais poète.  

 Cette annonce de confinement vous a surprise comme nous tous, que diriez vous à ceux qui ne respectent pas les consignes ?

La ruse la mieux ourdie peut nuire  son inventeur

Et souvent la perfidie retourne sur son auteur (fable XI, livre 4ème)

 Que pensez vous de la polémique autour de la chloroquine ?

Après qu’en ses conseils, le médecin Tans pis, eut été cru, il triomphait encore sur cette maladie. L’un disait il est mort, je le l’avais bien prévu-

S’il m’eut cru, disait l’autre, il serait plein de vie » (fable XII, livre 5ème)

Avez vous un conseil diététique en ces temps de confinement ?

Demoiselle Bellette au corps long et flouet entra dans un grenier par un trou fort étret. Elle sortait de maladie. Là , vivant à discrétion, la galante fit chère lie, mangea, rongea : dieux sait la vie et le lard qui périt en cette occasion !

La voilà pour conclusion, grasse, maflue et rebondie.

Au bout de la semaine, ayant de donner soû, elle entends quelque bruit, veut sortir par le trou, ne plus repasser et croit s’être méprise.

Après avoir fait quelques tours, « c’est, dit elle, l’endroit : me voilà bien surprise ; j’ai passé par ici depuis 5 ou 6 jours »

Un rat qui la voyait en peine lui dit : «  vous aviez lors, la panse un peu moins pleine, vous êtes maigre entrée ; il faut maigre sortir, ce que je vous dis là, l’on le dit à bien d’autres. Mais ne confondons point, par trop approfondir, leurs affaires avec les vôtres.

(fable XVII livre premier)

 Que pensez vous du mouvement de solidarité dans la société française en ces temps inédits ?

La vie des héros a enrichi l’histoire, et l’histoire a embelli les actions des héros : ainsi je ne sais qui sont plus redevables, ou ceux qui ont écrit l’histoire à ceux qui leur en fourni une si noble matière, ou ces grands hommes à leurs historiens. (Les Caractères de la Bruyère)

Ne trouvez vous pas que cette crise pourrait déboucher sur un changement dans notre société de surconsommation ?

Aux petits comme aux grands, il n’est âme vivante qui ne  pêche en ceci « Rien de trop » est un point dont on parle sans cesse et qu’on observe point. (fable XI, livre 9ème) 

Et pour le jour d’après ?

La Fortune se plait à faire de ces coups ; tout vainqueurs insolent à sa perte travaille. Défions nous du sort et prenons garde à nous après le gain d’une bataille. (fable XII, livre 7ème)

 Avez-vous peur du covid19 ?

Le poème tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer et le temps de vous remettre, ou s’il vous donne quelque relâche, c’est pour vous replonger dans de nouveaux abîmes et dans de nouvelles alarmes. Il vous conduit à la terreur par la pitié, ou réciproquement à la pitié par le terrible, vous mène par les larmes, par les sanglots, par l’incertitude, par l’espérance, par la crainte, par les surprises et par l’horreur jusqu’à la catastrophe. (Les Caractères de la Bruyère)