accueil > "il s’agit d’une discrimination complètement invisible" Grégori Miège

"il s’agit d’une discrimination complètement invisible" Grégori Miège

Entretien

On y entend une écriture intime et une écriture, non pas scientifique, parce qu’elle reste une écriture poétique, mais issue de recherches. Pourquoi aborder ce sujet-là, et pourquoi l'aborder au théâtre ?

 

On a eu envie d'écrire sur la grossophobie parce qu’il s’agit d’une discrimination complètement invisible. C'est quelque chose d'assez accepté, je dirais même de rigolo : c’est normal dans la vie de tous les jours et assez amusant de se moquer des gros. Et je dirais qu'en matière sensible, il n’existe rien actuellement autour de la grossophobie ou très peu de choses. Il y a eu deux ou trois comédies au cinéma, mais on a très peu d'écrits, très peu de pièces de théâtre, quelques-unes par ci, par là. On a donc eu l’envie de rendre les choses visibles, de parler de ce sujet à la fois inscrit dans le quotidien, et tellement invisible.

 

Autant les questions de racisme, ou celles autour de l'homophobie commencent à être beaucoup plus visibles, autant sur la grossophobie, pas du tout. Quel a été le processus d’écriture ?

 

On a tout simplement écrit chacun de notre côté ce qu'on avait envie d'écrire puis on a tout mis en commun. Il s'est trouvé par chance, et du fait de qui on était, que les textes partaient d'endroits différents. Et ça nous a paru tout de suite complémentaire, d'autant plus qu'on s'est donné l'autorisation et même, la règle d'avoir le droit de retoucher aux textes des autres, de reprendre le texte, de réécrire à l'intérieur, de le modifier et de le resoumettre. Il n'y a pas eu de pensée avant de faire. On a fait et à partir de là, il y a eu une nécessité, un vrai désir d'écrire. Et une fois que la matière était là, on a commencé à organiser les choses.

 

Vous êtes seul sur scène : quel(s) personnage(s) interprétez-vous ?

 

Beaucoup. C'est très clair quand on lit le texte parce qu'il y a beaucoup de paroles différentes, de médecin, de mère, d'enfants, d'hommes. Seul en scène, le travail a été de ramener un peu les textes à moi. Ça ne veut pas dire effacer les gens que j’interprète - la maman reste une maman, la jeune fille reste une jeune fille - mais dans la plupart des cas, j'endosse vraiment et je porte tous ces personnages. Il y a une espèce d'ambiguïté je pense, pour ceux qui regardent, à se demander si tous les textes que je dis m'appartiennent réellement ou s'ils sont juste portés. Ce sont des textes écrits pour tout le monde. C'est le « pour » de Gilles Deleuze dans son Abécédaire. C’est-à-dire que c'est le pour A l'intention de. Et à la place de. Il y a des textes que je dis pour des gens parce que moi j'ai la chance d'être sur scène et de pouvoir les dire pour eux, et il y a d'autres textes que je dis à l’intention d’autres personnes.

 

Interview du comédien Grégori Miège sur Radio Ondaine 90.9 FM et radio-ondaine.fr à l’occasion de la création de la pièce les 4, 5 et 6 octobre 2023 au théâtre Le Verseau à Saint Etienne.