Je suis maman d’un petit garçon de 3 ans. Je me questionne beaucoup à ce moment de ma vie sur la transmission. Je me demande comment en tant qu’artiste et mère je peux transmettre mon savoir de vie à la nouvelle génération. J’aimerais les aider à agrandir leur capacité de créativité et à assumer leur originalité. C’est cette question qui m’a donné envie de créer un spectacle, pour mettre la parole des enfants en avant, pour dire que c’est eux notre avenir, pour affirmer que c’est eux qui vont changer le monde.

Pour la phase de recherche, j’ai imaginé une cabane à secrets pour récolter la parole des enfants. Je vais construire une cabane avec un théâtre Kamishibaï (théâtre ambulant japonais). Illustrée avec mes dessins, l’histoire raconte l’aventure d’un petit garçon qui traverse un monde à l’envers où la terre, trop piétinée, s’est échappée par le haut. Les enfants ont le pouvoir de faire revenir le monde à l’endroit et de le faire coexister avec l’autre, imaginaire, la nuit. Pour cela ils doivent remplir un sablier en confiant leurs secrets. Cette histoire que j’ai écrite est enregistrée par Denis Podalydès.

J’aimerais que les trois danseurs représentent des corps de marionnettes qui cachent chacun un secret. Leurs corps sont en chantier pour chercher leurs secrets. Je vais travailler avec les danseurs sur les chutes et la perte de leur corps comme si, petit à petit, ils lâchent leurs secrets. Au fur et à mesure ils vont laisser tomber des résistances jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le plus ancien souvenir, leur secret d’enfant.

Dans cette société où l’on impose trop vite des images aux enfants, il est important de les laisser imaginer à partir de la matière brute qui n’a pas forcement de forme spécifique, pour faire naître quelque chose qui leur appartient à partir du vide. J’ai la même sensation à propos du danger. On leur dit souvent de ne pas casser les objets ou de faire attention à ne pas tomber. Les danseurs vont, tombent et les objets vont casser, ça va leur faire du bien de le partager comme s’il y n’avait pas de tabou.

J’aimerais leur montrer que leur parole compte. Par exemple, j’imagine un moment du spectacle où des enfants pourraient monter sur scène pour détruire un objet, ou encore de leur demander de choisir la suite du spectacle.

Chaque interprète a choisi son alter ego et a construit son histoire de héros tragique qui parle du mystère de leur enfant intérieur. Cette démarche permet aux interprètes de plonger dans leurs propres secrets cachés en eux et de danser leur lâcher prise et leur transformation.

J’imagine, que comme nous les grands, les enfants ont des secrets souvent autour de la disparition, autrement dit de la mort ou de l’abandon ou de la transformation, autrement dit, de la différence entre soi et les autres. Cette question revient souvent quand on grandit, d’ailleurs tous mes spectacles en parlent ! J’ai donc envie d’aborder ces deux questions fondamentales avec des enfants à travers les personnages choisis par les interprètes.

KAORI ITO