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Pièce en blanc et noir pour huit humains, un cheval et des pigeons
Dans l’obscurité des cavernes, le son était pour les hommes une boussole, la lumière qui les guidait dans l’aveugle, le chant qui éclairait contre les parois. Il fallait crier pour se repérer. Il fallait chanter pour éclairer le noir. Ici aussi, ça crie, ça cherche, ça tâtonne. Ça avance du mieux que ça peut dans le tunnel de l’époque. Difficile de savoir si c’est le pied du mur ou le sommet du monde, si la vie y meurt ou si elle renaît. Mais ça chute et ça se relève avec la même évidence, avec la même innocence, avec la même insistance. Ça veut s’en sortir. Coûte que coûte. C’est nombreux. C’est un troupeau. C’est une foule. Presque une famille. Et dans les interstices d’un monde en ruine, ça invente du nouveau. Une autre fin du monde est possible – elle a même commencé. Voilà ce que disent ces corps. Ceux de la vie qui luit, ceux de la vie qui cogne.
Deuxième volet du diptyque, après Là, Falaise n’en est pas vraiment la suite. Mais plutôt l’envers. Son véritable endroit. Le gant s’est retourné. Nous sommes passés de l’autre côté du mur, de l’autre côté du monde. Cette vie grouillante qui débordait des parois. La voilà devant nous. Inquiète. Fragile. Obstinée. Têtue. Plurielle. Elle n’en a pas fini. Elle n’a pas dit son dernier mot. Elle vient de très très loin. Ou parle pour plus tard. Elle ne sait pas si elle a survécu à la catastrophe ou si elle la précède. Elle ne sait pas. Une chose est sûre : elle tremble – de joie, de tendresse, de peur, de l’envie d’y aller, de ne pas céder, de ne pas reculer, de trouver comment, de se ronger les sangs, de s’en vouloir, d’être coupable, horriblement coupable, d’être ce hoquet du monde, qui hésite, qui hésite et s’en fout, qui cherche à se rassembler, qui se prête aux rôles, qui trouble ce qu’on attendait d’elle. Qu’importe. Elle tremble. Comme quelque chose de vivant. Puisque c’est la vie même. Celle qui insiste.
Barbara Métais-Chastanier, Lorient le 23 février 2019