accueil > Note de dramaturgie
Alors que son précédent spectacle, Ça ira (1) Fin de Louis (2015), nous plongeait aux origines de notre organisation politique à partir de la révolution de 1789, Contes et légendes met en scène un monde légèrement futuriste dans lequel les humains et des robots sociaux cohabiteraient.
Dans une forme de théâtre expérimental, comme on fait des expériences en laboratoire, avec le plus de concret et de sérieux possible, Joël Pommerat met en scène ces robots intégrés au quotidien pour observer ce qu’ils modifieraient ou révéleraient de la manière dont les individus se construisent et se lient les uns aux autres. Déjà présente dans sa réécriture de Pinocchio (2008), pantin adolescent rebelle lancé sur le chemin de l’humanité, lointain cousin de Galatée animée par l’amour de son créateur dans Les Métamorphoses d’Ovide, cette question du devenir prend dans Contes et légendes une couleur encore plus troublante. Différents régimes de présence et de vérité se mêlent sur la scène pour confronter le spectateur à la complexité de nos émotions et à l’ambiguïté de notions telles l’authenticité ou le mensonge.
Plus qu’un énième discours sur les dangers ou les progrès de l’Intelligence Artificielle, Contes et légendes donne à éprouver ces nouveaux troubles dans le genre à travers une mosaïque d’instants sensibles et drôles. Dans l’enchantement du théâtre, adolescents en crise et androïdes ouvrent à toutes les simulations et reconfigurations possibles. Traitant la fiction d’anticipation comme un fait réel et documentaire, Joël Pommerat renouvelle une fois encore cette inquiétante étrangeté teintée de philosophie qui fait la singularité de son théâtre depuis plus de 25 ans.
Marion Boudier, dramaturge, mars 2019