accueil > KOLIK par Christine Seghezzi, traductrice
Kolik est la troisième partie de la trilogie Guerre de Rainald Goetz, publiée en 1986.
« Guerre, c’est trois pièces de théâtre. Guerre comme guerre de forteresse en action est Guerre sainte : monde, révolution, bière. La lutte continue. La guerre dans la nuit, c’est Batailles : famille, art, haine. La lutte se poursuit. Guerre à la fin signifie enfin ici tractat contre la résistance du matériau, égal ni matériau ni résistance mais summa summarum tractat nommé cordialement Kolik ; je, mot, mort. »
Rainald Goetz
Traduire Goetz
J’ai découvert l’œuvre de Rainald Goetz vers l’année 2000 et sa langue a fait l’effet d’une déflagration sur moi. Les mots de l’auteur déploient de manière singulière une multiplicité d’interprétations et d’ouvertures de sens qui s’épandent en un réseau dense d’analogies et de rapprochements insoupçonnés. J’ai commencé à traduire certains textes pour essayer de communiquer mon enthousiasme. Alain Françon a par la suite décidé de mettre en scène le monologue Katarakt, troisième partie de la trilogie théâtrale Festung (Forteresse), avec Jean-Paul Roussillon, au théâtre de la Colline en 2004. J’ai collaboré avec Olivier Cadiot pour traduire la pièce. Puis, j’ai travaillé avec Mathieu Bertholet pour la traduction de la pièce Jeff Koons, publié chez l’Arche en 2005. En 2004, France Culture a consacré un cycle à Rainald Goetz, diffusé en quatre parties et pour lequel j’ai assuré la traduction de nombreux textes.
En partant d’une première traduction mot à mot, élaborée en 2003, nous avons repris le texte de Kolik avec Antoine Mathieu et Alain Françon pour établir la version actuelle qu’Alain Françon mettra en scène. Dans de nombreuses séances collectives, nous avons retraduit la pièce. Antoine Mathieu a pu ainsi « tester » en direct l’oralité du texte, tout en cherchant à être le plus juste et au plus près des multiples connexions que propose l’original allemand.
La langue de Goetz est difficile à traduire, l’allemand permettant la création de néologismes par assemblage et la syntaxe accepte de lier des éléments grammaticaux plus librement que le français. Afin que la circulation du sens dans cette écriture hautement dense soit la plus ouverte et proche de l’allemand possible, j’ai toujours opté pour une langue laissée délibérément dans un état brut et rugueux. Des moments d’obscurité, nécessaires et indispensables, alternent avec des clairières limpides qui ouvrent un champ vers une beauté et de poésie rarement connus dans la littérature allemande. Non seulement tous les registres de la langue et toutes les époques littéraires s’y trouvent convoqués, mais aussi la science, la philosophie, la médecine, l’art et le quotidien allemand. Kolik en relate une ultime expérience, celle de l’inventaire d’une vie, quand la guerre à l’intérieur du cerveau cherche à se frayer un chemin, en convoquant la physique, la musique, la philosophie, la foi, la sexualité, la bière et la décomposition, vers une condensation extrême à l’ultime instant de vie avant la mort.