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Extrait
Colloque sentimental
Galia.– Dis-moi le poème que j’aime tant
Pierre.– Lequel
Galia.– Tu sais. Celui des herbes folles.
Pierre.– Des herbes folles
Galia.– Oui Des herbes qui dansent
Tu le sais
Les herbes Elles dansent dans la nuit Mais personne ne les entend
Pierre.– Je cherche
Apollinaire
Galia.– Non Non
Le poète qui en aima un autre
Pierre.– Rimbaud
Galia.– L’autre
Et ce ne sont pas des herbes C’est du blé vert Du blé qui ondoie dans le vent Non Des avoines folles Ils se retrouvent
dans des avoines folles
C’est une histoire d’amour L’histoire d’un amour ancien dont l’un a perdu la mémoire
Je perds la mémoire Pierre
Pierre.– Je le sais ma tendre chérie
Galia.– Ce n’est pas concevable
Pierre.– Ce n’est rien C’est seulement un peu de mémoire
Tu te souviendras des choses importantes
Galia.– Ce poème
Pierre.– Ce n’est rien C’est seulement un poème
Galia.– C’était mon préféré
Pierre.– Cela reviendra
Tu te souviendras toujours des choses essentielles
Galia.– Je ne me souviens plus du visage de ma mère
Pierre.– Tu ne t’en es jamais souvenu
Galia.– Tu crois ?
Mais sa voix Oui Je m’en souviens
Pierre.– Tu vois
Galia.– Quelles autres choses essentielles
Pierre.– Tu te souviendras que nous nous aimons
Galia.– Oui C’est une chose essentielle
Pierre.– La chose essentielle
Galia.– Oui
Ils rient.
Et quand je ne m’en souviendrais plus ? Quand tu seras comme ce soir à côté de moi et que je ne saurai plus qui tu es ?
Pierre.– Je me souviendrai pour deux
Galia.– C’est trop lourd à porter des souvenirs pour deux mon petit Pierre
Pierre.– Je suis costaud
Galia.– Je sais Mais ce sera trop lourd, aussi costaud sois tu
Pierre.– Verlaine
Galia.– Bien sûr c’est Verlaine
Récite-le moi
Pierre.– Je ne m’en souviens plus