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Extrait 1.
ANDREÏ : Comment se fait-il qu’une scientifique aussi talentueuse en arrive à accuser la science ?
MILANA : Je n’accuse pas la science. J’accuse les scientifiques comme toi qui utilisent la science pour justifier leur misérable indifférence. J’accuse les scientifiques comme toi qui croupissent dans leur cynisme.
ANDREÏ : Fais attention à ce que tu dis.
MILANA : Oh il me menace ! Je connais ça, tu sais. Chez moi un mot de trop pouvait coûter la vie.
ANJA : C’est ce que tu as fui, non ? Toutes ces horreurs que tu as connu dans ton pays, tu y as échappé grâce à ton talent, grâce à Andreï !
MILANA : Oui, je pensais échapper à tout ça.
ANJA : Alors pourquoi es-tu allée te battre avec Alexandre ?
MILANA : Quand je l’ai vu, j’ai su que le destin frappait à la porte. Pendant longtemps j’ai essayé de résister, je me croyais assez forte. Mais on ne résiste pas au soleil.
ANJA : C’est lui qui t’a poussé à partir ? Ou c’est toi ?
MILANA : Je ne sais pas qui de nous deux a suivi l’autre.
ANJA : Pourquoi avez-vous fait ça ? Pourquoi ! Alexandre commençait à avoir un poids politique, sa voix était entendue ! Avec cette voix il aurait pu combattre bien plus efficacement ici qu’en risquant sa vie là-bas ! Tu travaillais sans relâche avec Andreï, on était bien, il y avait une intensité ici.
MILANA : Il y a eu des beaux moments, oui. Mais ce bonheur là, ce n’était pas assez pour Alexandre, il lui fallait quelque chose de plus grand.
Extrait 2.
MILANA : Quand j’étais petite, j’avais peur de tuer une poule. On m’en confiait une je lui disais : « Vas-t-en ! Cache-toi ! ». Un jour, il y avait une fête à l’école du village, j’étais habillée en robe de fée, une robe en soie blanche. J’avais réussi à m’éclipser sans que personne ne s’en aperçoive, je voulais marcher dans la montagne. J’ai suivi un sentier, puis un autre, longtemps. Un berger m’a croisé par hasard, je me souviens de sa tête en me voyant avec ma robe de fée au milieu de nulle part. Il m’a ramené au village. Tout le monde était fou d’inquiétude. - Je pensais que c’était ça qui m’avait sauvé, tu vois. Ma différence, mon côté dans la lune et le fait aussi que je voyais les chiffres briller devant moi. Je croyais que c’était ma chance. Mais non. Ça m’a séparé de mon peuple, de ceux qui sont allés se battre quand la guerre a éclaté, de ceux qui sont partis dans les grottes pour résister. J’ai vu beaucoup plus de haine et de solitude dans les pays en paix que sous les bombes. C’est là où je vais maintenant.