accueil > Extrait de la pièce

Extrait de la pièce

Avant-goût

NARRATEUR - Bienvenue à la maison des secrets. Ici, les enfants racontent leurs secrets pour changer le monde. Tu vas entendre l’histoire de Sola. A la fin de cette histoire, tu devras prendre le téléphone pour dire ton secret. Tu vois ce téléphone ancien devant toi ? Alors, quand ça sonnera, tu pourras décrocher et parler dans le combiné.

 

SOLA – Hummmm….

 

NARRATEUR - Tu vois ? Super. Alors on va commencer l’histoire.

 

Il était une fois, une petite maison dans la forêt. Dans cette maison, vivait un petit garçon qui s’appelait Sola, le ciel en japonais. Il vivait avec ses parents et ses douze frères et sœurs. Autour de la maison, la forêt pleurait, le soleil pleurait, le ciel aussi.

 

SOLA - Coucou, je m’appelle Sola. J’habite dans une toute petite maison dans une forêt avec mes parents. Je suis le dernier d’une fratrie de 5 frères et 7 sœurs. Nous sommes japonais. Nous vivons sur une petite île qui s’appelle Mujin Tô, Nulle part en japonais.

 

Nous avons traversé le monde pour venir jusqu’ici avec un bateau, des trains et des vélos. Mes parents sont très écolos alors ils ne voulaient pas prendre l’avion. Le voyage nous a pris un an mais c’était une très belle expérience. Nous avons  traversé plein de terres qui pleuraient. La lune nous regardait tristement les nuits.

Les étoiles tombaient souvent comme des goûtes de pluie. Le soleil et le ciel pleuraient. On ne comprenait pas pourquoi. Alors, un jour, on a demandé au soleil. Il nous a répondu qu’il se sentait coupable de bruler notre planète et de trop éclairer les forêts. Pendant le voyage, nous n’avons entendu qu’une seule fois la terre se plaindre. Une fois seulement mais avec une grosse voix. Elle disait qu’elle était trop piétinée et qu’il lui était difficile de respirer. Qu’alors, elle allait changer le monde pour ne plus être piétinée.

 

Après ce grand voyage, nous sommes arrivés dans cette petite maison au milieu de Nulle part. C’est en France. Notre maison est vraiment toute petite. Nous n’avons qu’un seul lit pour dormir tous les quinze. C’est tout ce qu’il y a dans cette maison.

On cuisine dehors, et on va aux toilettes dans les champs. On se lave avec de l’eau de pluie.

Dans notre lit, j’ai une toute petite place, dans le coin à droite, à côté de la porte de la maison. Il y a souvent du vent. En été, j’ai la meilleure place, en hiver, la plus mauvaise.

 

NARRATEUR - Un soir, un de ses frères l’a fait tomber du lit. Il a maladroitement donné un énorme coup de pied et Sola est carrément sorti de la maison en roulant dans l’herbe en pyjama.

 

SOLA - J’ai roulé, roulé et enfin je suis tombé dans un trou entre deux noisetiers.

Je me suis alors réveillé dans un monde à l’envers. Je me suis tout de suite rappelé de ce que nous avait dit la terre. C’est vrai que si elle est en haut à la place du ciel on ne la piétinera plus.

Et voilà nous y sommes. C’est ça le monde à l’envers.

 

NARRATEUR - Sola marche sur le ciel, la terre au-dessus sa tête.

 

SOLA - Tu vois ça ? C’est très bizarre. J’ai l’impression de marcher sur de la guimauve. Hummm le ciel est en bas, la terre sur ma tête. Le ciel est violet et la terre est rouge.

Tu vois ? Ça donne la sensation de marcher sur la tête des gens mais ce sont des nuages. C’est rigolo.

 

NARRATEUR - Sola rencontre une famille de calamars qui déménage. Toute la famille pleure. Les calamars volent au-dessus de lui, la tête en bas.

 

SOLA - Pourquoi pleurez-vous ?

 

LE PERE CALAMAR - Nous devons partir parce qu’il n’y a plus de plancton dans la mer là-haut. Nous sommes obligés d’aller ailleurs mais nous ne savons pas où. Nos larmes sont solides et l’eau n’est plus potable. Les larmes des animaux et des plantes sont très amères et dures comme des billes de verre.

 

NARRATEUR - Les calamars s’en vont. Leurs larmes se transforment en billes de verre et tombent sur Sola d'en bas. Ces billes entourent Sola et il se transforme en oiseau. Il a toujours sa tête de garçon. Il essaie de s’envoler. Plus il vole, plus il est attiré vers le bas.

Nous arrivons dans une forêt à l’envers. La forêt pleure. Elle pleure en rythme sur une musique, comme un requiem de Mozart. C’est triste mais très joli. Les larmes de la terre deviennent des billes de verre et Sola marche dessus avec ses petites pattes d’oiseau.

Sola vieillit en marchant. Il nous regarde tristement. Lui aussi commence à pleurer et ses larmes deviennent des billes. Ces billes entraînent Sola à travers la forêt.

Soudain, nous entendons la voix d’une vieille femme qui vient de loin.

 

LA VEILLE FEMME - Ici, comme le monde est à l’envers, le temps passe très vite.

 

NARRATEUR - En marchant, cet oiseau avec une tête de vieil homme, devient très fatigué. Il a du mal à respirer. Ses jambes, puis ses ailes disparaissent. Il ne reste plus qu’une tête. Les billes entraînent la tête de Sola à travers la forêt comme si elles le guidaient quelque part. Nous avons l’impression que ça dure des heures et des heures. Pendant ce temps, il se rappelle de son voyage en famille mais il se sent seul et triste. Tout à coup, il trouve une petite maison. C’est sa maison mais à l’envers.

 

SOLA - Ah ma maison !