accueil > Extrait de la pièce
VILLE
VOIX:
Je me promène dans la ville, et récolte
des regards.
Les gens ne me regardent pas. Ils
regardent à travers moi.
Pour eux, je n’existe plus.
Je suis comme une vitre. On ne peut
pas passer à travers, mais c’est comme
si elle n’existait pas.
Je suis la vitre de la fenêtre de
l’immeuble d’en face sur laquelle sont
collées ces grandes lettres S A L E
Sur moi il y a d’autres autocollants
Les passants qui me croisent lisent
VOLEUR
Lisent
PEDÉ
Lisent
ENNEMI
Je trouve que c’est pas mal comme
collection.
VILLE
On ne peut se promener que dans ce
méandre de la rivière
La rivière s’enroule en nœud
Je n’ai jamais eu le temps d’aller jusqu’à
l’endroit où elle tourne
Je marche vite, et la rivière n’est pas
pressée.
Sur l’autre rive, il y a le parc de loisirs, la
musique, les feux, le repos familial,
Beaucoup d’enfants
Tout leur est égal
Pour eux tout le monde est mort, sauf
eux-mêmes.
Personne ne fait traverser la rivière
d’une rive à l’autre
Aucun Charon ne vous demande aucun
argent
Personne ne veut abandonner cette rive
heureuse et voguer vers moi qui suis là
Aucun putain d’Orphée ne revient du
royaume des morts, qui se promènent
sur l’autre rive, jusqu’à l’endroit où le
Léthé s’en va à reculons.
FENETRE
VOIX
J’ouvre les portes et je ferme les portes
Je n’aime personne et j’aime tout le monde
J’aime le sexe, je déteste le sexe
La vie est un mensonge. La vérité est un mensonge
Quand je photographie, je suis nu, dieu me tient par la main, et nous chantons ensemble.
VOIX FEMININE
J’ai constaté
que mes seins grossissaient de jour en jour,
et que mon vagin s’agrandissait de jour en jour.
Je peux être large comme une plaine.
Je peux contenir 100 rivières.
Mon ère a enfin commencé.
Mais pour la première fois j’ai aussi ressenti le vrai désespoir.
Je suis au point culminant,
mais je ne me résouds pas
à regarder plus souvent vers le bas.
Je suis à genoux.
Tu es derrière moi,
Tu me possèdes
et tu fumes.
J’ai un peu peur,
et j’attends
que la cendre me tombe
sur le dos.