"De l’extérieur, l’église ressemble à une vulgaire abbaye, le guide nous dit qu’elle date du XVIIème siècle, on en a vu d’autres, et des plus anciennes, et des plus belles, mais piégés par les serpentins qui concentrent le flux de touristes, nous nous retrouvons propulsés à l’intérieur, c’est un brouhaha polyglotte, une colombienne à sac à dos me marche sur les pieds et ne s’excuse pas, on me dit « l’église est construite en plan centré », j’entends « joyaux baroque », j’entends « confrérie de la charité », partout autour de la pierre blanche livide, de la pierre froide, et des toiles sombres, tristes, macabres, la Déposition de j’sais pas quoi, le machin de Saint Pierre de Caracciolo, je veux aller aux toilettes, je ne trouve pas le guide, je m’approche d’un autre guide, je lui dis « Dove sono i servizi igienici », il ne me regarde même pas, il regarde en l’air, son visage est extatique, j’ai quand même pas un si mauvais accent, qu’est-ce qu’il regarde cet abruti, je me retourne, et là je vois le tableau dans le retable central intitulé Les sept œuvres de Miséricorde d’un certain Michelangelo Merisi da Caravaggio. Je n’ai plus mal aux pieds, je n’ai plus chaud, je n’ai plus envie d’aller aux toilettes, je n’entends plus personne, je suis seule dans cette église et je veux ce tableau."