Du 15 au 30 janvier prochain se tiendront les représentations de « La Faculté des rêves », nouvelle création du metteur en scène et directeur du Théâtre du Nord Christophe Rauck.
Inspirée par le roman de l’auteure suédoise Sara Stridsberg, cette histoire nous donne à voir les deux faces antagonistes de la société américaine des années 1960 à travers le parcours de la controversée Valerie Solanas.
À cette occasion, nous vous proposons de vous raconter l’univers de la pièce à venir sous le format d’un feuilleton hebdomadaire intitulé « FAC’story ». Chaque épisode de ce feuilleton sera consacré à une thématique essentielle de ce récit qui se déroule dans l’une des époques les plus bouillonnantes de notre Histoire.
"Andy adorait faire du shopping"
LA FACULTÉ DES RÊVES
Mots-clés :
USA / DÉCLIN / SURCONSOMMATION / AMERICAN WAY OF LIFE
Imaginez-vous des montagnes russes.
Ce qu’il y a de plus incroyable avec cette attraction, c’est la tension extraordinaire qu’elle crée chez nous au moment de la montée. Lente et prédictible, la remontée mécanique augure de la descente qui va s’ensuivre. Ce qu’il y a de formidable, c’est que plus la montée est longue et raide, plus l’on s’attend à ce que la descente soit intense.
Le krach boursier du 29 octobre 1929, le « mardi noir », sonne le glas de la décennie rutilante des années 20 aux Etats-Unis. Les Roaring Twenties font place à la Grande Dépression.
Cette période voit le chômage exploser et la situation économique américaine se dégrader violemment. La misère rampante alimente les mouvements de repli nationalistes partout de par le monde ; des leaders charismatiques émergent et accèdent au pouvoir Outre-Atlantique.
Ils promettent monts et merveilles à leur peuple, et la fin des mauvais jours.
On n’épiloguera pas sur le conflit qui s’ensuivit, vous connaissez l’histoire.
Après la guerre, les Etats-Unis lancent une vaste entreprise de relance économique. Face à un bloc soviétique qui pourrait faire basculer son hégémonie, l’Amérique entreprend de vastes projets pour juguler la peur « rouge » en Europe.
La prospérité des Etats-Unis et la mise en œuvre des plan Marshall et Accord Blum-Byrnes permettent d’exporter l’American way of life en plein cœur du Vieux Continent.
C’est l’explosion de la culture de masse américaine : l’aube d’un nouvel âge dans lequel la consommation des biens venus du pays de l’Oncle Sam se diffuse partout sur le globe.
Biens culturels ? Films, livres, pièces de théâtre, mode.
Biens matériels ? Robots de cuisine, aspirateurs, frigidaires, parfums, bijoux pour Madame ; voiture, tabac, alcool, cravates et montres pour Monsieur. Elle est pas belle la vie ?
Et pourquoi consommer local lorsqu’on peut consommer américain ? Le soda, le chewing-gum, le rock’n’roll, les jeans, les cigarettes, le hamburger, la basket, les comics, le bowling !
Qu’ils sont beaux les supermarchés américains ! Regardez ce choix, cette opulence !
Qu’elle est loin cette fichue guerre et sa famine, dorénavant on mange tout ce qu’on veut et quand on veut ! Qu’elles sont belles nos stars : on craque pour le déhanché d’Elvis, et on tuerait pour un dîner avec Marilyn !
La consommation de masse a ses parades, ses grands-messes, ses apôtres. La publicité et le marketing modèlent les contours d’un style de vie fondé tout entier sur le renouvellement continu des biens matériels. La marchandise se suffit désormais à elle-même. Les marques et les égéries sont les nouvelles idoles de notre temps.
Alors que la réclame semble avoir conquis l’espace public urbain, des façades des immeubles jusqu’aux unes des journaux, une intellectuelle marginale jette l’anathème sur la consommation à outrance. Dans un brûlot qu’elle rédige en 1967, elle prophétise que son mouvement « SCUM détruira tous les objets inutiles et nocifs tels que les voitures, les vitrines, le « Grand Art ».
Ne lui en déplaise, à la même époque les artistes américains les plus en vogue collaborent avec les marques en tant qu’affichistes : Norman Rockwell, Roy Lichtenstein, ou encore, le prodige, Andy Warhol.